Histoire de l'olivier et de la production d'huile d'olive
La Méditerranée, berceau de l'huile d'olive
Des forêts d'oliviers sauvages sont présents 60 000 ans avant J.C. sur la partie occidentale du bassin méditerranéen et au Moyent-Orient. L'olivier sauvage ou oléastre pousse spontanément à peu près sur tout le pourtour méditerranéen.
En ce qui concerne la culture de l'olivier en Afrique du Nord, les historiens s'accordent sur le fait que, dès l'Antiquité, les Berbères procédaient à des greffes d'oléastres, bien avant l'arrivée des Romains et le développement par les Carthaginois de plantations d'oliviers.1 Il est d'ailleurs possible que la dénomination berbère de l'oléastre soit à l'origine du terme grec ἐλαία [elaia] et du latin olea employé par les Romains.2 Dans cette hypothèse, on pourrait considérer que ce sont les Berbères, qui auraient tout d'abord nommé et exploité l'olivier sous sa forme sauvage au milieu du IVe siècle avant J.C.
Le climat de l'Afrique du Nord est particulièrement favorable à la culture de l'olivier et les Romains l'ont bien compris. Ils s'attachent à étendre ce type de culture, comme le confirment les nombreuses ruines d'anciens pressoirs et moulins à huile encore présents dans cette région ou dans d'autres régions où les oliviers sont totalement absents de nos jours.
Sous la domination grecque puis romaine, la culture de l'olivier s'intensifie en Afrique du Nord et dans tout le bassin méditerranéen occidental. Ces civilisations apportent un savoir-faire lié aux techniques agronomiques, de production, de stockage et de commercialisation de l'huile. Ce commerce de l'huile d'olive est florissant - une activité attestée par les très nombreuses amphores à huile retrouvées dans les épaves de navires marchands coulés en Méditerranée. L'olive et son huile ont été des moteurs de l'essor du commerce maritime sur le bassin méditerranéen.
Carte de la répartition des moulins et pressoirs à huile dans l'Afrique romaine. Source : https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/1613
L'olivier, un arbre légendaire
Les Égyptiens firent partie des premiers à utiliser, dans leur vie quotidienne mais également dans leurs rituels, les produits de l'olivier (pour les lampes à huile dans les temples ou lors des rites funéraires par exemple).
Dans toutes les religions méditerranéennes polythéistes et monothéistes, on retrouve cet arbre en tant que don des Dieux. D'une manière générale, les civilisations du bassin font de l'olivier un arbre sacré. Et depuis l'Antiquité, l'huile de l'olivier a toujours symbolisé force et lumière.
Attribut d'Isis puis d'Athéna, l'olivier, devenu le symbole de la ville d'Athènes, aurait été créé par la fille de Zeus. La déesse fit sortir de terre cet arbre capable de nourrir et de soigner les hommes.
Dans les légendes chrétiennes ou dans la Bible, l'olivier est l'un des arbres les plus cités : c'est un rameau d'olivier dans le bec d'une colombe qui montre à Noé que le Déluge est terminé et que le premier arbre à avoir repoussé est un olivier3. Dans le Livre des Juges4, l'olivier refuse le titre de roi des arbres.
Mentionné à sept reprises dans le Coran, il y est décrit comme “un arbre béni (...) dont l'huile semble éclairer sans même que le feu la touche”5.
Branche d'olivier dans la main d'Akhénaton. Source Metropolitan Museum of Art https://www.metmuseum.org/art/collection/search/544057
Les Egyptiens se servaient de l'huile d'olive lors des rites mortuaires et des couronnes ou des colliers confectionnés avec des feuilles d'olivier ont été retrouvés dans des tombes de pharaons.
Le déclin jusqu'à Al-Andalus
Après la chute de l'Empire Romain, le peu de sources dont on dispose indique que la culture de l'olivier se poursuit dans toute l'Italie, le sud-est de la France et le sud de la péninsule ibérique.
Cette culture ainsi que la production d'huile sont principalement réalisées à des fins d'autoconsommation ; elles ont essentiellement pour but d'assurer la subsistance.
Durant le Moyen-Age, l'extension de l'oléiculture et la production d'huile d'olive dans la partie occidentale et chrétienne de la Méditerranée semblent assez timides, voire même en recul. Des historiens avancent la thèse d'une faible présence des graisses dans le régime alimentaire médiéval, ce qu'attestent également les livres de cuisine de l'époque. En Europe du Nord par exemple, des produits à base de lait de vache, de beurre ou avec d'autres graisses animales sont préférés à l'huile d'olive, plus coûteuse.
A cette époque, l'huile d'olive s'utilise cependant pour l'éclairage des habitations, des églises, pour des soins du corps, l'élaboration de savons ou de potions médicamenteuses. En Espagne, on trouve des mentions sur les usages médicinaux de l'huile dans la littérature : par exemple dans l'œuvre médicale d'Averroès, qui recommandait d'ajouter de l'huile d'olive dans des préparations culinaires.
Au sein de la péninsule ibérique, il faut distinguer les territoires sous domination chrétienne de ceux sous domination musulmane, lesquels concentrent la plupart des oliveraies aux périodes Almohade et Almoravide. Production et consommation d'huile d'olive dans la péninsule ibérique sont directement liées à la présence arabe sur le territoire. En raison de la limitation des graisses animales dans la culture religieuse arabe, la consommation de graisses d'origines végétales, comme l'huile d'olive est privilégiée.
Les avancées dans le domaine agricole sont notables et de nombreux traités sur l'agriculture et l'oléiculture sont écrits. Les techniques utilisées dans le royaume d'Al-Andalus rappellent celles déjà employées par les Romains et on les pratique encore de nos jours en Andalousie, Estrémadure ou encore au Maghreb.
C'est également au Moyen-Age que des routes commerciales sont créées entre les plantations d'oliviers d'Afrique du Nord et Marseille.
Chronologie succincte |
Le retour de l'olive au XIXe siècle
Au cours de la période des grandes découvertes géographiques et l'expansion maritime de l'Espagne et du Portugal (particulièrement aux XV et XVIe siècles), on introduit l'olivier sur ces nouveaux territoires, en Amérique (Mexique, Pérou, Argentine, etc.).
Cependant on observe de véritables “périodes creuses” durant lesquelles l'exploitation de l'olivier et la consommation de son huile sont mises en veille. Les habitudes de consommation changent et il ne faut pas oublier l'impact des phénomènes météorologiques tel que le gel sur la culture de l'olivier.
Au XIXe siècle, on note toutefois un intérêt renouvelé pour l'huile d'olive. L'usage de celle-ci se développe notamment dans le sud de la France, faisant prospérer toute une région : le savon de Marseille connaît son apogée. Mais à la fin du XIXe, l'huile d'olive, principal composant de la recette traditionnelle du savon est remplacée par des huiles de graines (tournesol, arachide…). Cette substitution par d'autres huiles végétales devient alors courante dans l'alimentation en général.
Il faudra attendre le milieu du XXe siècle pour que des études sur les propriétés de l'olive contribuent à relancer, notamment en Europe, la consommation d'huile à des fins alimentaires. Ses bienfaits sur la santé et ses vertus cosmétiques sont mis en avant.
Production et consommation mondiale d'huiles d'olive et d'olives de table
HUILE D'OLIVE
Pays de l'Union Européenne producteurs d'huile d'olive ainsi que leurs productions (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Espagne | 1 403 300 | 1 286 600 | 1 090 500 |
Italie | 474 600 | 182 300 | 320 000 |
Grèce | 320 000 | 195 000 | 300 000 |
Portugal | 109 100 | 69 400 | 78 800 |
France | 5 400 | 2 800 | 4 5000 |
Pays hors de l'Union Européenne producteurs d'huile d'olive ainsi que leurs productions (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays hors de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Turquie | 150 000 | 177 000 | 287 000 |
Maroc | 130 000 | 110 000 | 140 000 |
Syrie | 110 000 | 110 000 | 100 000 |
Tunisie | 140 000 | 100 000 | 220 000 |
Pays de l'Union Européenne consommateurs d'huile d'olive ainsi que leurs consommations (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Italie | 598 100 | 514 000 | 557 000 |
Espagne | 494 500 | 457 200 | 470 000 |
Grèce | 140 000 | 105 000 | 120 000 |
France | 113 400 | 94 000 | 110 000 |
Portugal | 70 000 | 70 000 | 70 000 |
Pays hors de l'Union Européenne consommateurs d'huile d'olive ainsi que leurs consommations (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays hors de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Etats-Unis | 321 000 | 315 000 | 315 000 |
Turquie | 116 000 | 155 000 | 170 000 |
Maroc | 120 000 | 120 000 | 120 000 |
Syrie | 104 000 | 110 000 | 100 000 |
Tunisie | 35 000 | 25 000 | 35 000 |
[Source : Conseil Oléicole International]
OLIVES DE TABLE
Pays de l'Union Européenne producteurs d'olives de table ainsi que leurs productions (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Espagne | 601 000 | 596 100 | 521 500 |
Grèce | 194 000 | 180 000 | 235 000 |
Italie | 66 000 | 39 900 | 48 000 |
Portugal | 20 800 | 17 300 | 17 300 |
France | 1 100 | 700 | 1 100 |
Pays hors de l'Union Européenne producteurs d'olives de table ainsi que leurs productions (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays hors de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Turquie | 397 000 | 400 000 | 455 000 |
Egypte | 335 500 | 500 000 | 650 000 |
Algérie | 221 000 | 293 000 | 280 000 |
Syrie | 150 000 | 190 000 | 100 000 |
Maroc | 120 000 | 110 000 | 120 000 |
Argentine | 73 000 | 95 000 | 105 000 |
Iran | 60 500 | 75 500 | 70 000 |
Tunisie | 26 000 | 22 000 | 28 000 |
Pays de l'Union Européenne consommateurs d'olives de table ainsi que leurs consommations (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Espagne | 182 700 | 171 100 | 180 000 |
Italie | 126 300 | 123 500 | 116 800 |
France | 65 000 | 65 000 | 65 000 |
Royaume-Uni | 36 700 | 35 800 | 35 800 |
Roumanie | 25 400 | 25 100 | 25 100 |
Grèce | 15 000 | 15 000 | 15 000 |
Portugal | 5 800 | 5 900 | 5 900 |
Pays hors de l'Union Européenne consommateurs d'olives de table ainsi que leurs consommations (en tonnes) pour les périodes de 2015-2016, 2016-2017 et prévisions de 2017-2018 :
Pays hors de l'UE | 2015-2016 | 2016-2017 | 2017-2018 |
Egypte | 319 000 | 400 000 | 450 000 |
Turquie | 318 500 | 322 000 | 355 000 |
Algérie | 234 000 | 300 500 | 289 000 |
Etats-Unis | 215 000 | 206 000 | 206 000 |
Syrie | 147 000 | 180 000 | 112 000 |
Brésil | 102 000 | 114 000 | 115 000 |
Maroc | 31 000 | 31 000 | 31 000 |
Tunisie | 23 000 | 20 000 | 25 000 |
[Source : Conseil Oléicole International]
Conclusion - Un patrimoine culturel méditerranéen
L'olivier, symbole mythique, fait partie intégrante de l'histoire et de la culture des diverses civilisations et populations méditerranéennes. Au cours des siècles, l'homme a su le domestiquer et en extraire des trésors. Déjà présente dans le monde méditerranéen antique, l'huile d'olive est toujours dans nos cuisines et sur nos tables, ainsi que dans nos produits cosmétiques. En Grèce, en Italie ou en Espagne par exemple, l'exploitation des oliviers a laissé son empreinte dans la nature et la culture du pays. Les oliviers, aujourd'hui millénaires, sont des éléments indissociables du paysage méditerranéen et il existe un rapport ancestral entre ces arbres, les hommes qui les cultivent et cet or liquide qu'ils produisent. A lire : L'arbre et l'olive
A écouter
Technique et économie de l'huile d'olive dans la Méditerranée antique - Série en 10 épisodes diffusée sur France Culture
NOTES
3 Livre de la Genèse 8, 6-11
Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre de l'arche qu'il avait construite, et il lâcha un corbeau ; celui-ci s'envola et revint en attendant que la terre soit redevenue sèche. Ensuite, Noé lâcha une colombe pour savoir si les eaux avaient baissé à la surface du sol.
La colombe ne trouva pas d'endroit où se poser, et elle revint vers l'arche auprès de lui, parce que les eaux couvraient toute la terre ; Noé tendit la main, prit la colombe, et la fit rentrer auprès de lui dans l'arche.
Il attendit encore sept jours, et lâcha de nouveau la colombe hors de l'arche. Sur le soir, la colombe revint, et dans son bec il y avait un rameau d'olivier tout frais ! Noé sut ainsi que les eaux avaient baissé à la surface de la terre.
4 Livre des Juges (IX, 8-9)
« Un jour, les arbres se mirent en campagne pour se donner un roi et le consacrer par l'onction. Ils dirent à l'olivier : “Sois notre roi !” L'olivier leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à mon huile, qui sert à honorer Dieu et les hommes, pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ?”
« Alors les arbres dirent au figuier : “Viens, toi, sois notre roi !” Le figuier leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à la douceur et à la saveur de mes fruits, pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ?”
« Les arbres dirent alors à la vigne : “Viens, toi, sois notre roi !” La vigne leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à mon vin, qui réjouit Dieu et les hommes, pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ?”
« Alors tous les arbres dirent au buisson d'épines : “Viens, toi, sois notre roi !” Et le buisson d'épines répondit aux arbres : “Si c'est de bonne foi que vous me consacrez par l'onction pour être votre roi, venez vous abriter sous mon ombre ; sinon, qu'un feu sorte du buisson d'épines et dévore jusqu'aux cèdres du Liban !” »
5 Verset 35 de la sourate XXIV An-Nûr (La lumière).